good morning day, sorry you're not here (r)

Assis sur le bord d’un bureau, Jax était en pleine conversation avec sa mère tandis que l’un de ses collègues faisait le pied de grue à moins d’un mètre de lui. Ils étaient occupés à bavarder autour d’un café quand son téléphone avait sonné et si l’autre avait fait mine de s’éclipser pour le laisser en paix, Jax lui avait coupé toute retraite d’un simple mais autoritaire ‘ça va prendre deux secondes’. Cela faisait maintenant dix minutes que sa mère lui tenait la jambe et s’il aurait aimé pouvoir s’en dépêtrer, il n’avait pas non plus l’air de s’échiner à trouver une excuse pour couper net la discussion. Son collègue avait bien tenté de lui faire signe qu’il allait s’atteler à une quelconque tâche mais Jax secouait à chaque fois la tête, posant un index sur ses lèvres tout en acquiesçant comme si sa mère pouvait le voir. À un moment, il avait bien failli parvenir à raccrocher mais sa mère s’était alors soudainement rappelée d’un détail inutile et s’était lancée sans même reprendre son souffle, forçant Jax à l’écouter, malgré l’impatience qui commençait à agiter son pied. Ce n’est finalement qu’au bout de quatre minutes supplémentaires à écouter la voix nasillarde de sa mère que Jax finit par lui souhaiter une bonne soirée et raccrocha avec un soupir un peu exagéré. « Les mères » fit-il mine de se plaindre en agitant son téléphone portable avant de le ranger dans sa poche. « Qu’est-ce que nous disions ? » demanda-t-il en croisant les bras sur son large torse. « Ah oui, ces satanés avocats ! » En réalité, il était le seul à parler avant l’appel de sa mère. Il était trop occupé à se plaindre et à maudire ces ‘vautours’ comme il les appelait, faisant surtout référence à l’un d’entre eux, qui semblait l’avoir pris en grippe pour une raison qui lui échappait… ou pas. « Je disais que je dois y aller, ma femme m’attend pour diner » Ce qui ressemblait fort à un mensonge maladroit étonna Jax qui, haussant les sourcils, jeta un coup d’œil à sa montre, stupéfait qu’on puisse diner à une heure pareille. « Allons ! Tu ne vas pas laisser ta petite femme dicter ta conduite ! Pourquoi on ne sortirait pas boire un verre pour resserrer les liens ? Une sorte de team building ! » suggéra-t-il, coinçant le pauvre homme qui cherchait à tout prix une échappatoire. Son interlocuteur ne trouvait visiblement plus aucune excuse pour se soustraire de cette situation délicate. Il était évident que cette conversation était déjà un véritable calvaire et qu’il n’avait aucune envie de se retrouver en tête-à-tête avec le réalisateur plus qu’il n’était nécessaire. Il n’eut toutefois pas vraiment besoin de chercher un nouveau prétexte pour s’en aller, l’arrivée d’une tierce personne lui donna l’occasion de s’échapper car il vit Jax tourner la tête au moment où le bruit caractéristique de talons hauts claquant sur le parquet leur parvenait. « Merde ! » jura Nightingale en posant son gobelet sur le bureau. Il avait une – trop – bonne mémoire et même si celle-ci avait été défaillante, oublier la jeune femme qui arrivait aurait été impossible. Il ressentait encore la brûlure du café qui imbibait sa chemise hors de prix quand la notaire l’avait heurté, la dernière fois. Il n’espéra qu’une chose : qu’elle soit suffisamment concentrée sur son téléphone pour ne pas les voir et poursuivre sa route en les évitant inconsciemment. Manque de bol, un objet non identifié provoqua un déséquilibre chez la demoiselle et Jax se redressa vivement, prêt à éviter la collision. C’était sans compter sur la participation d’une force suprême – ou tout simplement sur le pied d’un homme qui n’avait qu’une envie : rentrer chez lui – puisqu’en voulant reculer pour que Rowena trébuche et s’effondre à côté de lui, sa cheville se prit dans quelque chose et il tomba, déséquilibré et pris de court. Il s’effondra comme jamais il n’était tombé auparavant et il fut soulagé de savoir qu’à part son interlocuteur retenu en otage et miss catastrophe, il n’y avait personne pour avoir assisté à cette lamentable chute. Le monstre qu’était Jax poussa un grondement sourd semblable à celui d’un fauve et il darda sur la jeune femme un regard meurtrier. Qu’attendait-elle pour se relever ? Et où était l’autre abruti pour l’aider à se relever ? Il guetta la silhouette de leur collègue mais celui-ci semblait s’être volatilisé, comme par magie. Il ignora les excuses que Rowena balança avec effusion et se releva avec lenteur, comme pour bien faire sentir que cette rencontre inopinée ne l’amusait pas du tout. « Il faudrait empêcher des gens comme toi de se balader dans les couloirs. Je vais finir par croire que tu le fais exprès ! » répliqua-t-il avec colère en s’époussetant le costume. « Non, rien de cassé » dit-il abruptement en la regardant peiner à rassembler son fatras de paperasse. Il émit un soupir agacé et finit par se pencher pour l’aider à rassembler ses affaires. Une fois le dernier document ramassé, il fourra les papiers dans les bras de la jeune notaire, ravalant légèrement l’acidité dans ses propos : « Depuis le temps que tu mets des chaussures pareilles, tu n’as pas encore appris à regarder où tu vas ? Mets-en d’autres si tu es incapable de tenir sur tes deux jambes. Je ne suis même pas certain que tu t’en sortes mieux avec des chaussures plates. » Le ton était inutilement accusateur et il attrapa son café délaissé avant de se réinstaller contre le bureau, comme il l’avait fait avec son précédent collègue. « Tu rentres comment ? » lui demanda-t-il alors, voyant qu’elle claudiquait, ayant dû se fouler la cheville en tombant.